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Ombres et Lumières : conversation avec Latino Imparato

Ombres et lumières : conversation avec Latino Imparato a été publié par les éditions Vertige Graphic en 1992.

Ce livre est le résumé d’une longue conversation qui s’est déroulée à Paris le 30 janvier 1992, et il a été édité à l’occasion de l’exposition “Alberto Breccia” organisée par la Maison de la Culture de La Louvière et le Centre de la Gravure et de l’Image imprimée de la Communauté Française de Belgique.

Cette exposition a été organisée dans le cadre l’opération “La Louvière – Cordoue 1992″ qui scelle un pacte d’amitié entre les deux villes.

Extraits

Vous avez souvent déclaré que devenir dessinateur de bande dessinée a été pour vous la seule possibilité de vous affranchir de votre condition d’ouvrier…
— Je dessine depuis mon plus jeune âge. Quand j’étais gamin je dessinais tout le temps, et même après avoir commencé à travailler comme ouvrier, j’ai continué à dessiner. À cette époque, je parle des années 1933 – 34, la seule chose que je pouvais faire en dehors de mon travail d’ouvrier aux abattoirs, c’était dessiner. J’ai commencé à proposer mes dessins à différentes revues. Au début je travaillais gratuitement, ensuite ils commencèrent à m’en acheter quelques-uns. De cette façon j’ai pu progressivement quitter mon travail à l’abattoir. Pendant des années, durant mon temps libre, je me présentais dans les rédactions des revues pour montrer mes travaux et en même temps j’essayais de me faire embaucher.

De quel genre de dessins s’agissait-il ?
— C’étaient des dessins humoristiques. J’avais créé un personnage et dessiné quelques trois cents bandes. J’en ai vendu dix qui ne furent même pas publiées.

Pourquoi ce choix de réaliser des bandes dessinées humoristiques ?
— C’était le seul genre de bande dessinée qui à cette époque était produite en Argentine. Les seules autres bandes dessinées publiées, c’étaient des BD d’origine anglaise : des cases avec du texte en dessous, comme des légendes. La bande dessinée américaine, style Alex Raymond par exemple, était totalement inconnue. Elle est arrivée en Argentine seulement quelques années plus tard.

Comment êtes-vous passé de la bande dessinée humoristique à la BD d’aventure ?
— Un jour, toujours en cherchant du travail, je débarquais dans les bureaux de la maison d’édition Laines, une maison très importante à l’époque, qui publiait un grand nombre de revues de bande dessinée alimentées en matériel par les syndicats anglais. Mon travail humoristique ne les intéressait pas; ils voulaient des histoires d’aventure et ils m’ont demandé de réaliser quelques planches pour le lendemain. Je n’avais jamais fait cela! Je rentrais hâtivement à la maison et je commençais à regarder des journaux et des revues pour me faire une idée. J’étais désespéré; avec un scénario et quelques pages à livrer le lendemain, je ne savais absolument pas de quelle façon m’y prendre. À cette époque le journal La Prensa publiait Charlie Chan, une bande dessinée d’Alfredo Andriola. Tout en me basant sur le travail d’Andriola j’ai écrit un scénario, un polar farfelu, et pendant la nuit je dessinais une ou deux planches. Le lendemain j’allais chez Laines pour montrer ce que j’avais fait. À ma grande surprise l’éditeur accepta mon travail! C’est ainsi que j’ai commencé à dessiner des BD d’aventure. J’écrivais les sujets, je développais le scénario, je réalisais les planches, le lettrage. S’il y avait de la couleur à ajouter, je le faisais moi-même. En somme, je faisais tout de A à Z.

Pendant combien d’années avez-vous travaillé de cette façon ?
— Quand j’ai commencé, j’avais dix-huit ans et j’ai continué jusqu’à l’âge de trente ans. Puis je suis entré dans l’équipe de la revue Patoruzito qui était une revue avec une formule très moderne pour l’époque. On y publiait beaucoup de bandes dessinées nord-américaines et aussi pas mal de bandes dessinées réalisées en Argentine. C’étaient des histoires conçues avec un esprit très moderne et innovateur.

Quels étaient les dessinateurs qui ont le plus influencé vos débuts ?
— Milton Caniff. En regardant ses œuvres j’ai appris à raconter en images. J’ai appris à composer une case, une page. J’ai dû apprendre tout cela seul: je n’avais fréquenté aucune école et je dessinais très mal. J’ai commencé à étudier la composition, l’anatomie, la perspective; j’ai étudié l’anatomie pendant plus de vingt ans. Je dessinais déjà mes premières histoires et en même temps j’étudiais.
Un jour, devant une case que je ne réussissais pas à dessiner comme je le voulais, j’ai eu une crise d’impuissance et je me suis enfermé dans la salle de bain pour pleurer. Je voulais devenir dessinateur, un bon dessinateur. J’ai donc décidé de me consacrer le plus possible à l’étude du dessin. Même quand je dessinais déjà Vito Nervio et Sherlock Time, je continuais à étudier.

Merci à Latino Imparato de m’avoir autorisé à publier cet extrait.

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